Les trois grandes illusions de la « contre-information »
On entend cela depuis quelques années. « Les gens en ont marre du système, ils s’en détournent » / « les médias alternatifs commencent à effrayer le système » / « une révolution se met peu à peu en place par Internet et via différents réseaux »… Etc.
Vraiment ?
Depuis le temps qu’on en parle, cette soi-disant « révolution », il serait temps de la faire. Malheureusement ou heureusement, si nous sommes dans un monde en transition, nous sommes très loin d’une révolution, et encore plus loin d’un effondrement global ou d’une guerre. C’est surtout que… le français aime râler. Il ne faut peut-être pas chercher plus loin ! On peste contre le système, nos politiques, notre société… Alors qu’en fait, nous participons chaque jour au maintien de tous ces éléments :
– Des chiffres trompeurs : le public aime le système !
Il suffit de regarder les chiffres des médias officiels. Faire le compte des vues Youtube, par exemple (chaînes de BFMTV, Cnews, France info…) : on dépasse rapidement plusieurs milliards de vues. Les médias dits « alternatifs » les plus connus ont quelques dizaines de millions de vues. En les additionnant tous (ce qui est déjà en soi bancal car ils sont souvent très opposés les uns aux autres) on arrive à quelques bonnes centaines de millions de vues. On pourrait se dire que ce n’est qu’un début. Or, cela fait maintenant bien des années qu’ils sont présents, et s’ils sont parvenus à s’installer durablement, ils ne parviennent en aucun cas à faire une véritable concurrence aux gros médias.
– L’antisystème aidé par… le système
Un exemple frappant est le cas Dieudonné. A une époque, lors de son apogée (clairement retombée depuis), l’homme se vantait d’une audience concurrençant le système. Certaines de ses vidéos Youtube dépassaient effectivement le million de vues, voire plusieurs millions pour une seule vidéo. Admettons, les chiffres sont les chiffres. Mais grâce à qui ? Grâce au système. En une semaine, nous avions eu la totalité des médias titrant sur Dieudonné, ainsi que des discours lancés par Manuel Valls, d’autres politiques de tout bord, jusqu’au président de la république lui-même ! Suite à cela, l’audience de l’humoriste s’est effectivement étendue pendant un temps. Des faits qui parlent d’eux-mêmes : une structure non médiatisée obtient une audience relativement confidentielle. Une structure médiatisée voit son audience exploser. C’est pour cela que tout le monde cherche à faire du « buzz ». Sortir un livre (ou une déclaration / vidéo…) qui fait polémique, par exemple, est une bénédiction pour un auteur. Rappelons-nous du formidable coup de pub de Raël lorsqu’il a annoncé qu’un être humain avait été cloné en Israël ! (« Information » qui s’est révélée fausse, bien entendu. Qu’importe, le temps qu’on s’en aperçoive tous les médias du monde en avaient parlé).
– Une alternative… qui en est rarement une
Quel est l’objectif exact d’un média alternatif ? Difficile à dire… De façon très terre à terre, on peut y voir une simple façon de faire du « bizness ». Vendre des livres, monétiser une chaîne, récolter des dons. Il faut également distinguer ceux qui créent l’information de ceux qui la relaient. De nombreux médias prétendument alternatifs ne font que relayer des informations de médias officiels. Par exemple, Fdesouche n’est rien d’autre qu’une revue de presse permanente spéciale « insécurité ». Les auteurs se bornent à fouiller la presse généraliste et à sélectionner les articles allant dans leur sens : on est dans le biais de confirmation permanent. Il en est de même pour un blog du « camp opposé », qui diffusera uniquement sur les cas de violences policières ou d’abus patronaux.
Il y a ensuite les médias qui créent de l’information, publient, organisent des reportages, documentaires et conférences. Ceux-là sont, dans leur principe, plus intéressants. Ceci dit, certains se contentent d’informer et de dénoncer, sans jamais rien proposer de particulier. Ils sont surtout contestataires et manichéens, parfois en enchaînant les lapalissades.
– La véritable raison de notre amour du système
Pourquoi donc rejeter un système qui bon gré, mal gré, tourne et fonctionne ? Ne serait-ce pas être un peu masochiste ? Vous me direz, oui mais le système est en cours d’effondrement… il fonctionne de moins en moins, bientôt ne fonctionnera plus du tout. J’entends parler d’effondrement total depuis 2008 (au moins), et remarque que notre monde se maintient. Et continue de se maintenir année après année. Nous avons à manger, de quoi sortir, se vêtir, s’abriter, se chauffer. Nous pouvons sortir sans nous faire agresser, nous offrir loisirs et plaisirs. Moins qu’avant ? Pas forcément. Ça dépend pour qui, ça dépend du point de vue.
Quoi qu’il arrive, nous continuons de vivre dans une abondance et un confort tout à fait acceptables. Tant que ce sera le cas, le public n’aura aucune raison de se tourner massivement vers une information contestataire, qu’il s’agisse de médias politiques, écolos ou basés sur le bien-être, la décroissance ou autre. Le jour où la crise sera réellement profonde et marquée, nous nous tournerons automatiquement vers d’autres schémas de société. En fait, nous serons alors « forcés », pour ainsi dire, de consommer, penser, agir différemment. De voir la vie d’une autre manière. En attendant, l’immense majorité d’entre nous continue d’accepter le système tel qu’il est. Parfois en changeant de petites choses au quotidien, mais sans volonté de gros chamboulement sociétal.
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