En l’an 2100, à l’heure où la haute technologie périclite, deux enfants fuient la police. Emilie a eu pour idée d’adopter un refuge un peu particulier… Ici, personne ne viendra les chercher. Et surtout, elle pourra y « guérir » son ami Benjamin. Extrait de mon roman initiatique « Nous les Indiens ».
Place ensuite au grand paradis naturel de l’océan : ils s’y gorgèrent de sel et de vagues vigoureuses qui les renversèrent sans ménagement. D’autres enfants les avaient rejoints. L’ambiance survoltée attirait du monde, le groupe grossissait. Quinze heures passées, certains, déjà très en retard, durent se résoudre à aller manger. Lamo et Blandine purent rester ainsi que Bob, un grassouillet qui lui aussi semblait bien aimer Emilie. Tout le monde semblait bien aimer Emilie… garçons comme filles, avec bien entendu des regards très différents. Merde se dit Ben, c’était à prévoir. Et ça risque pas d’aller en s’arrangeant.
En fin de journée, seuls Lamo et Blandine étaient encore avec eux. Ils finirent par le centre de remise en forme comprenant sauna, jacuzzi, bain chaud et douche à jets.
Chaud, froid, brûlant, glacé, eau salée, eau douce, eau vive et violente,
eau douce et caressante… Ce mélange les avaient exaltés.
Chacun repartit enfin de son côté, après avoir passé toute la journée immergé ou mouillé d’une façon ou d’une autre. Emilie et Benjamin pédalèrent en zigzagant jusqu’à la tente. Exténués. Si trop d’alcool rend saoul, un excès d’eau rend pompette. Un jour shooté à Emilie, les jours suivants aux filles, le surlendemain à l’H2O, se dit Ben. En toutes ces présences l’ivresse est omniprésente, seule la drogue change. Instant présent pour toujours et à jamais.
Ils ouvrirent la tente, se couchèrent sur les couvertures sans rien fermer, sans s’envelopper et s’endormirent en un instant à peine, sans se demander s’ils étaient l’un contre l’autre ou à distance respectable.
Les copains-copines furent de nouveau au rendez-vous. Lamo et Blandine étaient de retour, tout comme Bob, puis Enia, une grande blonde, Hanane une petite métisse, Yoann un garçon de la région, et deux autres encore. Benjamin ne se souvenait plus bien qui avait été là hier, se rappelant davantage des corps féminins. Certains n’étaient pas revenus, d’autres étaient seuls ou accompagnés, c’est comme une micro-communauté qui se mettait en place.
La petite païenne leur apprit qu’aujourd’hui serait le rituel de la terre.
On rouspéta car il faisait beau et l’envie de nouveaux jeux d’eau était grande. Rien à faire, elle était décidée à suivre son programme coûte que coûte, quand bien même cela les ferait fuir. En tout cas, elle n’envisage pas un instant de le faire sans moi, se dit le garçon. C’est ce que je disais : son programme est une dictature déguisée en démocratie. Pour les autres aussi d’ailleurs, car tous suivent. L’art de faire croire à un choix, perfide femelle. Mais que trouver à y redire ? Décider de ne pas avoir le choix, après tout c’est déjà un choix.
Ils débutèrent par des jeux de sable. S’enterrant, creusant des digues, des douves et des châteaux, armés de leurs seules mains. Ils grimpèrent une côte et roulèrent sur eux-mêmes un nombre incalculable de fois. Se firent de véritables douches de sable, s’en mettant poignées sur poignées sur le corps, se frottant de partout jusqu’à se shampouiner. Puis, ils se rendirent dans les dunes pour un jeu d’approche. Un guet se postait sur le plus haut monticule de sable, les autres devaient monter sans se faire voir.
Il fallait passer d’un coin à l’autre, courir, s’accroupir. Ben et Emilie avancèrent à plat ventre, le sable chaud provoqua des frottements qui firent leur effet sur le garçon qui ne put se relever tout de suite, prétextant que le guet allait les repérer.
C’est fou se dit le garçon,
le sable me produit cette réaction, et pas ma petite nudiste ni aucune autre fille.
Si je mate sans désir de sexe, je suis peut-être moins pervers et plus innocent que j’en ai l’air.
Ce parcours initiatique avait quelque chose de christique. Emilie dans le rôle du prophète, eux dans celui des disciples. Ben ne voulais pas être un disciple, ni un Judas ni un Dieu le père. Il ne voulait aucun guide spirituel dans son existence.
Près de la zone rocheuse, où la terre se mêlait à l’eau, ce fut ensuite le bain de boue. Selon la quantité mise les couleurs changeaient, allant de l’ocre au beige en passant par l’orange ou le rouge vif. Les enfants se passèrent une première couche, une seconde puis une troisième, cherchant le meilleur rendu, la plus belle combinaison de couleurs.
Œuvres vivantes, ils se commentèrent les uns les autres tels des critiques d’art. Lorsque le mélange durcit, ils ne bougèrent plus et ce fut à celui ou celle qui la ferait craquer en tout dernier. Ils coururent enfin retirer le tout dans l’eau de mer, la remplacèrent par du sel et finirent tous sous la douche.
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