Pensées existentielles d’une enfant de l’an 2100

En vacances avec sa maman et son petit frère, Emilie aimerait avoir une famille digne de ce nom. Où on l’éduquerait, où on lui ferait découvrir des tas de choses. Coûte que coûte, il va falloir construire sans. Extrait de mon roman initiatique “Nous les Indiens”.

Laurence connaît bien les bouilloires. Ne pas trop laisser chauffer, et quand ça entre en ébullition laisser respirer pour ne pas faire déborder. Aussi laissait-elle parfois ses deux mioches gambader… après tout, la punition de la veille avait été respectée. La mère était donc partie de son côté, partie avec son précieux bracelet de paiement au poignet, libérant ses enfants en centre-ville.

Emilie avait pris le temps de s’affréter. Robe blanche, chapeau de paille et mocassins, elle se sentait très élégante. Les vacances à la mer étaient les seuls moments où elle pouvait porter jupe ou robe sans se faire traiter de pute par Laurence. Là, pas une réflexion, au point que la petite fille se demandait si maman ne la trouvait pas jolie.

Parfois une lueur de tendresse maternelle… se transformant juste après en jalousie.

A force d’entendre toujours les mêmes paroles, la progéniture n’était plus très atteinte…

Laurence manquait d’imagination, tant mieux. Au fond, peu importait à Emilie qu’on ne l’aime pas tant qu’elle s’aimait elle. C’était du moins son concept. L’admiration qu’on ne lui donnait pas, elle se l’offrait. Seule dans la salle de bain à se contempler dans le miroir, son cœur battait plus fort que si une foule d’admirateurs l’observait.

Pour les deux enfants, direction la plage. La grande sœur portait les affaires, Brian ne portait que son nom à la con, c’est déjà bien assez lourd à porter se dit-elle.

Nous étions la veille du départ.

Toute une journée de libre, la maman veut faire bonne impression, qu’ils rentrent avec des mines fraîches et ensoleillées. C’est pour ça qu’elle cherche à les faire bronzer à tout prix. Avant elle confisquait les crèmes solaires de sa fille, maintenant Emilie sait les cacher. Cette dernière adore le soleil mais restera ainsi, sa peau est naturellement mate et douce que demander de mieux. Si douce que Brian se serre souvent contre elle quand elle a peu ou pas de vêtements.

Il aime se rappeler les sensations de bébé auxquelles il n’a pas eu assez droit, le « peau à peau », lorsqu’un corps post-fœtal se colle à la mère. Emilie n’a pas le cœur de trop le rejeter, tout de même le petit frère est collant, il vous laisse jamais prendre de bain sans s’y inviter. Cet attachement ne résiste pas à tout… Il suffit de passer devant la salle de jeux et la grande sœur n’existe plus, ou presque. C’est justement ce qui arriva.

C’était voulu, Brian a encore quelques sous d’argent de poche à dépenser. Après avoir pris un jeton, il entre dans un cercle. Une force magnétique le soulève à un mètre, il rit. Dès lors, il est dans son monde : autour de lui il n’y a plus que des images provenant d’un jeu vidéo. Brian a programmé « X Battle Wars », une partie de cosmonautes se battant dans l’espace. Libéré de la gravité, il tire tête en bas. Joueur plutôt doué…

Emilie se sauve, va regarder la mer.

Au bout de quelques minutes le petit vient la voir, vérifie qu’elle est là, retourne dans la salle. Et ainsi de suite.

— Mate un peu la mer, idiot ! Demain on la verra plus du tout, et pour un bon moment !

— La mer c’est toujours pareil !

Tu mériterais que je t’y jette, pensa-t-elle avec tendresse. L’eau, les arbres, le vent, ici il n’y a rien d’autre d’intéressant.

Tout à l’heure, Brian pourra redevenir un vrai enfant.

Dès qu’il n’aura plus de sous, il lui prendra la main et ils iront à la plage. Avec un peu de chance il acceptera de marcher dans une zone où il y a moins de monde, voire une plage déserte, qui sait. On peut rêver. Ses guibolles sont pas plus fragiles que d’autres mais leur proprio est un mollasson.

Là, ils pourront tracer des labyrinthes dans le sable, faire des pâtés, un château, creuser un trou. Pour ces saines activités, Emilie acceptait d’autres personnes. Les enfants de cinq à neuf ans l’aimaient beaucoup, à en rendre jaloux le petit frère. Tant qu’elle plongeait les mains dans le sable, ceux de son âge l’ignoraient. Elle se remettait à exister dès qu’elle se remettait sur sa serviette à ne rien foutre.

Tout ça pour la petite colline se formant lorsqu’elle était allongée sur le ventre, ou le début de poitrine pointant lorsqu’elle était sur le dos… Elle ne portait qu’un maillot du bas, ce qui était déjà trop pour elle, pourtant sans désir d’attirer.

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