Lorsqu’une machine vous emmène dans l’au-delà…

…ou tout du moins dans un univers y ressemblant. Car la machine conçue par Aurélie, scientifique émérite, dépassé l’entendement. Est-elle vraiment en train de franchir les portes d’un autre monde ? Extrait de mon recueil de nouvelles sciences-fictions/fantastiques.

Appelant de nouveau son ami, Aurélia s’aperçut que sa propre voix se perdait dans une sorte de néant. Plus rien ne résonnait dans la pièce. Mais quelle pièce ? Les alentours de la machine avaient disparu eux aussi. Tout s’effaça… jusqu’à la machine elle-même. Aurélia l’avait quittée, ou bien c’est la machine qui était partie. Le sol devint blanc brumeux, à moins que ce ne soit un vide indéfini… Autour d’elle passait une multitude de formes colorées.

Elle chercha à les toucher mais, comme dans un rêve, n’y parvint pas. Ces couleurs étaient particulières… elles ne ressemblaient à rien de connu, on n’aurait su les nommer. Cela ne s’approchait d’aucune couleur primaire ou secondaire, ni même tertiaire. C’était… autre chose.

Aurélia prit conscience qu’elle avait peut-être visé juste.

Que la machine était peut-être en train de fonctionner pour de bon. Se préparer à un tel moment est inutile : l’instant est trop singulier pour être anticipé.

La scientifique se toucha pour vérifier qu’elle était bien là, en vie. Oui, son cœur battait, son sang circulait, et elle entendait sa propre respiration. Malgré le parfum d’irréalité régnant autour d’elle, Aurélia était toujours là, dans son corps. Pourvu que ce voyage ne soit pas sans retour… Disparaître à tout jamais ne l’effrayait pas tant que partir sans laisser de trace. Partir sans rien laisser au monde. Si la machine fonctionnait à sens unique ou ne pouvait marcher qu’une seule fois… qui croirait Alfred ?

Au mieux on le prendrait pour un fou. Au pire on l’accuserait. Et quoi qu’il en soit, aucun chercheur sérieux ne se pencherait sur cette histoire. Aucun n’étudierait les sept-cents pages de la formule, qui, d’un point de vue cartésien, étaient truffées de contresens. Elle seule aurait la preuve de sa réussite, une preuve qu’elle garderait de toute éternité sans pouvoir la partager. Réflexion faite, même dans cette éventualité elle acceptait son destin. Ce n’était pas si mal…

Au fond, quoi de plus beau que disparaître en cherchant à se transcender ?

N’était-ce pas une belle fin malgré tout ? De toute manière, il faudrait se faire une raison.

En un rien de temps, les angoisses d’Aurélia se dissipèrent. Sa résilience la plongea dans un état de bien-être total. Un peu comme planer après un orgasme. En cet « espace » il n’y avait aucun conflit possible, aucune supercherie. Tout était authentique. Il n’y avait nul besoin d’analyse scientifique pour le savoir, cela se ressentait. L’aventurière était tant en paix avec son âme qu’elle aurait pu rester ici pour toujours, sans même s’en rendre compte.

Les formes s’étaient mises à bouger. Tout en douceur elles se croisaient, se frôlaient. Certaines se mélangeaient les unes aux autres pour devenir un cocktail de couleurs encore plus euphoriques. On aurait dit une sorte de danse surnaturelle pour honorer cette visite. La jeune femme se mit à rire et, de nouveau, chercha comme une enfant à attraper les couleurs. Celles-ci restaient insaisissables, lui filant entre les doigts.

Certaines étaient effrayantes et mystérieuses, d’autres naïves et franches,

chacune unique en son genre. Aurélia percevait ces formes comme des sentiments.

Elle en était convaincue. Chacune en représentait un. Il y en avait des joyeuses, des timides, des cabochardes et des soucieuses. Certaines étaient osées, farceuses, d’autres mélancoliques ou amoureuses. La jeune femme se demanda ce qu’elle pourrait en décrire si elle revenait un jour., le langage humain étant trop imprécis pour refléter de telles singularités.

Reprenant un peu ses esprits et retrouvant sa logique scientifique, elle voulut regarder sa montre pour mesurer son voyage… Celle-ci avait disparu. Il en était ainsi de tout ce qu’elle portait au moment du départ. Cette absence de vêtements avait sans doute participé au bien-être ressenti car elle eut la sensation d’être libre de toute entrave.

Elle ne l’avait pas vu jusqu’alors car aucun effet de chaud ou de froid n’existait ici. Cet endroit n’acceptait donc que la chair humaine. Tout l’artificiel s’était évaporé, jusqu’aux grains de poussière, jusqu’à la sueur de sa peau, jusqu’aux gouttes de parfum sur son cou. Une extraordinaire sensation de fraîcheur l’envahit. Aurélia n’avait jamais été si pure, si nue de toute son existence, plus pure encore qu’une enfant venant de naître.

Les couleurs devenaient lumineuses.

Une lumière plus forte encore que celle du soleil, qui pourtant ne brûlait pas les yeux.

Tout devint lumière, à tel point qu’elle ne voyait plus son corps.

Peu à peu, un chemin se dessina. La scientifique put mettre un pied devant l’autre pour s’engager sur ce sentier. C’était inutile : elle était attendue. Devant elle se tenait une entité grande et fine, uniquement revêtue de lumière. La forme était humaine, nue elle aussi mais dépourvue de sexe et de toute courbe masculine ou féminine. L’entité était belle, chaude, une aura bienfaisante semblait en émaner.

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