Dans cette aventure, les objets se sont groupés pour mener une révolte contre les humains. Cavale, vadrouilles, et joyeuses destructions sont au programme depuis des semaines. Mais sans projet de société, la lassitude gagne à présent les esprits. Extrait de mon recueil d’histoires ludiques et philosophiques pour toute la famille « Les contes du Chat Farceur ».
L’excitation du premier jour s’était éteinte. Le groupe, bien plus calme, sentait comme un filet se resserrer autour de lui. L’hélicoptère, les voitures de police le traquaient. On ne pouvait plus semer la pagaille n’importe où, le jeu devenait de moins en moins amusant. D’ailleurs, les souris n’en pouvaient plus. Que de kilomètres pour leurs toutes petites pattes !
Et être portées par les pneus ne changeait rien puisqu’elles devaient courir tout de même, exactement comme dans les roues de cages à souris. Leurs dents avaient grignoté tant de métal qu’elles s’abîmaient… Non, tout cela ne plaisait plus du tout aux petites bêtes, qui décidèrent de laisser les choses poursuivre leur périple afin de s’installer en forêt.
— Peut-être devrions-nous faire comme elles ? Suggéra la grande roue. On ne serait pas si mal dans les bois !
— Je suis écologiste ! Dit Hector. Des pneus et des roues dans la nature c’est mauvais pour l’empreinte carbone.
— Moi je commence à désespérer, se lamenta un pauvre couvercle tout cabossé. Est-ce que nous trouverons un jour devant nous autre chose qu’une stupide route goudronnée sans fin ?
— Notre première envie était d’aller voir la mer, dit un pneu. Il faudrait réfléchir un peu plus en quelle direction nous roulons !
On palabra… Certains pneus voulaient continuer à semer la pagaille, d’autres souhaitaient se rendre, certains avaient même envie d’être de nouveau accrochés à une voiture. Finalement, Hector fut chargé d’explorer les environs. La chance semblait de son côté car il croisa un panneau très intéressant. Bien sûr, il ne comprit pas ce qui était écrit, mais comme le panneau était sympathique, il voulut bien le lui dire. Ainsi, il sut en quelle direction aller… Et apprit que la mer se trouvait à moins d’une journée de roulades !
Quand Hector expliqua cela aux autres, l’excitation revint. La grande roue s’agita, les couvercles sautillèrent sur place, les pneus s’entrechoquèrent de joie.
Hector, lui, s’isola pour réfléchir. La mer, oui d’accord c’était bien beau… mais qu’y faire ? Longer les côtes ? S’installer sur la plage ? Ce qu’il leur fallait au fond, c’était un endroit où vivre.
Un lieu où personne ne chercherait plus à les diriger.
Peut-être avait-il une idée… Hector en parla à ses amis, qui la trouvèrent excellente. Juste pour voir, Hector proposa ensuite une ou deux autres idées absurdes, comme s’enterrer sous terre ou se construire des ailes pour voler dans le ciel. Ils trouvèrent ces idées encore meilleures. Aïe aïe aïe, se dit Hector… le groupe est d’accord pour tout, il trouve tout génial ! Si ça se trouve mon projet est mauvais et il n’y a personne ici pour s’en apercevoir. Enfin… essayons toujours.
Les choses partirent le soir même et roulèrent jusqu’au petit matin. Alors que le soleil se levait, elles virent enfin l’océan apparaître. Si beau, si grand ! Mais ce n’était pas le moment d’admirer le paysage. Elles demandèrent partout où se trouvait la mairie, et les habitants, pas encore bien réveillés, leur indiquèrent le chemin. On les prit pour de petites enfants rondouillards…
Toutes les choses s’agglutinèrent autour de la mairie : il fallait impressionner, sinon jamais on ne les aiderait.
Charles-Bernard Henry, maire d’Elerainville, vivait sur place… C’était plus pratique pour se rendre au travail. Il se leva, s’étira et ouvrit les volets. Quelle était cette grosse masse devant lui ? Etait-il en train de rêver ? Pour s’en assurer, il se frotta la peau et se pinça les yeux, puis se dit qu’il aurait mieux fait de faire l’inverse.
Ceci dit, il était maintenant bien réveillé et la masse était toujours là. Des centaines de pneus et d’autres choses rondes étaient entassés en pyramide, le regardant d’un air sévère. Hector était content de lui… le maire était subjugué, leur stratagème fonctionnait.
S’ils parvenaient à lui faire peur, c’était gagné d’avance. Soudain, un pneu à la base de la pyramide, tiraillé par sa pneumonie, toussa. Fort, en se secouant. Et ce qui devait arriver arriva : l’édifice entier s’effondra, et tout le monde s’aplatit par terre en un fracas épouvantable. Ils n’étaient plus du tout impressionnants, ils étaient juste ridicules ! Cette fois, Charles-Bernard Henry réagit :
— Trouble à l’ordre public ! Tapage diurne ! Que le responsable vienne me voir immmmédiatement à mon bureau !
Toutes les choses, penaudes, regardèrent Hector. Bien entendu, le responsable, c’était lui.
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