Encore quelques heure de liberté

Emilie et son petit frère profitent de leur tout dernier jour de vacances, à la plage. Ouf, maman est allée vadrouiller ailleurs, pour quelques heures. Extrait de mon roman initiatique “Nous les Indiens”.

Ouf ! Brian s’est lassé des jeux vidéo plus vite que prévu. Le petit frère accepte de se diriger vers la plage, pas trop loin. Il faut batailler ferme pour que ses jambes daignent le porter là où on ne risque pas de croiser Laurence. Putain de feignasse se dit la grande sœur, une vraie plaie ces bambins, deux pas et ils sont par terre, c’est quoi cette génération aux pattes de guimauve ? Dans la station, plusieurs enfants sont déjà gros et gras. Brian bouffe gras sans jamais prendre un gramme, faut bien qu’il ait quelque chose pour lui.

Sur la plage, c’est l’heure de pointe.

Les trente degrés à l’ombre donnent un alibi pour s’habiller léger.

Certains ont bossé leur apparence des mois durant pour ce moment. Garçons huilés et gonflettés tels des gladiateurs (ils ne tiendraient pas un round), filles au ventre plat autant faire que se peut. Enfin, pour les plus montrables.

Il y a aussi les décomplexés exhibant fièrement bourrelets, fortes difformités et poils disgracieux. Du canon au boudin, Brian ne loupe rien : le pauvre, sa tête arrive à hauteur de nombrils… encore que ça n’a pas l’air de lui déplaire. Il lui suffit de lever un peu le nez pour observer les nibards, il commence à le faire, lui aussi grandit.

Et si lui grandit ça veut dire que moi aussi, se dit-elle. Noire perspective… et Brian n’a pas l’air de bonne humeur.

— Fais pas cette tête, t’as vu le temps qu’il fait ? Y a du vent, du soleil et tout !

— Justement, revenir demain à la maison par ce temps ça fait chier !

— T’aurais voulu qu’il pleuve et qu’il fasse froid ?

— Ouais. Comme ça c’est moins dur de rentrer. J’aime bien la mer avec le ciel bleu !

Là, il lui fit très, très plaisir. Elle ne put s’empêcher de le prendre dans ses bras et de l’embrasser.

— Arrêêête !

Pas possible ce petit. Il réclame des bisous baveux soir et matin et quand ça vient de moi il râle.

Une fois installé, Brian commence à s’amuser dans le sable. Sa sœur s’apprête à le rejoindre… un détail la gêne. Un peu plus loin une bande de cinq enfants glandent et gloussent, comme on le fait si bien à cet âge. Son âge. Ils les regardent, ou plutôt la regardent. Le secteur était-il si bien choisi ? Elle qui voulait faire un nouveau château, maintenant elle n’allait plus oser.

Maudite soit sa bonté, elle aurait dû traîner Brian de force beaucoup plus loin !

Sur la plage principale les gens sont en représentation, et n’admettent pas qu’on ne le soit pas.

Immense défilé de mannequins moches et maladroits ! A quoi bon être en représentation si c’est pour une représentation pareille… Enfin, mieux vaut en rire qu’en pleurer.

Et merde tant pis pour les quolibets se dit l’enfant, j’ai bien le droit de faire ce que je veux. Après tout je les reverrai jamais. Surtout, faire face… ne pas avoir l’air intimidée, même si elle l’est. La vie est un combat. Même pour avoir le droit de jouer, même pour un tout petit truc aussi bête !

Emilie commence à creuser. Le groupe l’a vue, ça chuchote. Peut-être y voient-ils une sorte de provocation. C’est un peu le cas : la honte d’Emilie laisse place à la fierté. Elle va jusqu’à utiliser les jouets de Brian pour faire des pâtés.

Par ces gestes elle fait de la résistance, montre qu’il lui reste un brin de personnalité.

Le sable est si plat qu’il efface ce que l’on est : tous en slips, tous pareils, ou presque…

ou trop. Le vacancier lui-même devient plat (d’esprit, pas de corps), à moins qu’il ne l’était déjà avant… il est bon de mettre du relief, pourquoi pas avec des douves et donjons. Presque un acte révolutionnaire. Tout compte fait la fillette est enchantée du tour qu’elle leur joue. Combat à distance… guerre froide. Ils voulaient la dominer, elle les domine. Et le petit frère, ravi, se met à l’aider.

Le petit groupe, après âpre échange, désigne une des leurs. Une fille se lève et approche. Les mains d’Emilie tremblent : elle a beau faire la fière, elle n’en mène pas large.

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