Au cœur de la nature… et de l’aventure

Malgré les apparences, ces deux enfants ne sont pas en vacances… mais en cavale. Dans ce camping, personne ne soupçonne qu’il sont fugueurs, et que leur « mère » n’est que fictive. Extrait de mon roman initiatique « Nous les Indiens ».

— Regarde-nous. On dirait de plus en plus des hommes préhistoriques.

Emilie sortit son miroir de poche et le lui tendit. La petite n’avait pas tort. Malgré leurs cinq douches quotidiennes, on sentait un certain relâchement. Les yeux étaient cernés, l’haleine pas bien fraîche, les cheveux emmêlés, ébouriffés. Et lorsqu’un vêtement était enfilé, celui-ci était froissé autant qu’effiloché… les machines à laver ne font pas tout. Emilie s’étonna elle-même : jamais elle ne se serait crue capable de prendre aussi peu soin d’elle.

— Moi je me trouve pas si mal…

— C’est pas pareil pour un garçon…

…Un look un peu grunge baba à la limite ça peut faire sexy. Chez une fille ça passe pas.

— Putain tu trouves que t’as pas assez de prétendants comme ça ?!

— Ha ha ha ! Jaloux ! Tu es jaloux ! Ria-t-elle en le pointant d’un doigt provocateur.

— Ça te plairait hein ?

— Pour tout dire ils me gonflent. C’est sûr, se sentir convoitée est pas désagréable. Mais à force… Ce matin j’ai pas envie de plaire aux autres, juste à moi.

— On dit que se plaire à soi est la meilleure manière de plaire aux autres. Tu t’aimes pas ce matin ?

— Bof.

— Ça tombe bien faut qu’on bouge. Faut pas que les copains-copines nous trouvent chaque matin sans adulte. Ils vont passer… Si on arrive à la tente à onze heures on pourra dire qu’on a mangé avec notre maman chez son nouveau mec.

Ils passèrent au centre. Le garçon acheta des produits de beauté, de la crème hydratante à l’après-shampoing pour faire briller les cheveux, et emmena Emilie aux lavabos. Là, ils jouèrent à la visite chez l’esthéticienne. Soin de la peau, coiffure, manucure… elle se peigna longuement, Ben aida comme il put. Emilie savait y faire, s’entraînant souvent sur ses « Lola Hait », des poupées-bustes conçues pour travailler ce genre d’effets.

Il n’était pas encore onze heures et ils firent quelques pas.

Passer ce temps rien que tous les deux était un privilège.

Emilie manquait à Ben, il avait le sentiment de trop la partager ces derniers jours. C’était égoïste et possessif, sans doute, il le savait. Le garçon devina qu’aujourd’hui, après l’eau et la terre, ils rendraient hommage à l’air. Au vent rectifia-t-elle, car l’air on le respire tout le temps, plus encore ici où les pots d’échappement sont pas là.

C’était jour de grand vent. Ce n’était pas un hasard, Emilie avait vérifié la météo à l’avance. Dans son carnet, les pages se noircissaient un peu plus chaque soir.

L’agitation de la boum leur avait donné envie, en ce jour, d’être en comité plus réduit. Leur arrivée tardive à la tente les y aida. Lamo, Blandine et Athana les y attendaient.

— Y avait plusieurs copains qui se demandaient quand t’allais arr… quand vous alliez arriver, lança Lamo à Emilie.

— Je préfère que vous préveniez personne. On préférerait rester qu’entre nous ce matin. Enfin, avec vous hein, mais personne d’autre.

Tous trois semblèrent touchés d’être les élus.

S’ensuivit quelques bobards sur ce qu’Emilie et Ben avaient fait de leur matinée, le petit dèj’ avec maman à la caravane de son dernier coup (une vraie Laurence celle-là), l’homme était cool, leur avait acheté des glaces, puis maman avait dit qu’elle reviendrait ce soir apporter à manger. Blandine, scandalisée, leur dit qu’il fallait prévenir les services sociaux. Sur le chemin menant à la plage, ils s’efforcèrent donc de redorer le blason de leur génitrice. En fait maman traversait une période difficile, elle avait tant bossé cette année pour leur payer tout ce qu’ils voulaient qu’elle avait besoin de se détendre un peu.

Le vent donnait des coups de fouet de plus en plus vifs. Autour d’eux tout le monde rentrait dans son bungalow, sa caravane ou sa tente.

— Ça me revient, dit Lamo. Ils ont annoncé une semaine de vents forts. Ça va pas franchement être du zéphyr.

— Du Zéphir !? S’écria Ben. Il en avait oublié la signification du surnom.

— Pile ce qu’il faut, dit Emilie.

— Nos… parents vont s’inquiéter, dit Blandine pas très rassurée.

— Ben et moi on y va. On oblige personne. Par contre ceux qui viennent vous assumez, allez pas dire après à vos parents qu’on vous aurait entraînés.

— Si, on est entraînés par le vent ! Dit Lamo en riant.

Personne ne se dégonfla, et le petit groupe arpenta les dunes. Tous suivaient Emilie en file indienne, Blandine ayant du mal à gravir les pentes sableuses se cramponnant souvent à Benjamin. Tous nus sans même un sac à dos ou un bijou… les deux royalistes plus royalistes que le roi avaient une influence évidente sur les autres, même sur ceux venant ici depuis leur naissance.

Emilie cherchait le point le plus haut à gravir. Plus ils progressaient, plus les dunes étaient ardues. Le vent soufflait si fort qu’ils devaient avancer têtes baissées, presque accroupis, chaque pas donnant la sensation de soulever un poids. Pour s’entendre, ils devaient crier.

— Là on s’est trop éloignés du camping ! On est en dehors de la zone naturiste ! S’écria Blandine à pleins poumons.

— Quoi ? J’entends rien !

Emilie entendait mais voulait poursuivre. Ils s’éloignèrent encore puis atteignirent enfin le point convoité : la plus haute dune de toutes à des kilomètres à la ronde, culminant à une trentaine de mètres de hauteur. Si haute qu’on la voyait depuis quasiment n’importe quel coin du camping. Là, elle les invita à rester debout, droits comme des rocs, bras et jambes écartés, yeux fermés. C’était un véritable couloir aérien par lequel passaient des vents venant de tout point cardinal.

Quelques lignes extraites de mon roman initiatique « Nous les Indiens ». Pour lire les périples d’Emilie et Benjamin dans la France de l’an 2100, rendez-vous ici.

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