Titillés par un mystère de village, deux copains se mettent à enquêter… sans forcément être très doués pour ça. Parviendront-ils à découvrir quel villageois se cache derrière le catcheur masqué Mirador ? Extrait de mon recueil d’histoires ludiques et philosophiques pour toute la famille “Les contes du Chat Farceur”.
Nouvelle réunion au cabanon pour faire le point. Arnold n’avait pas eu beaucoup de succès.
— Comment j’ai galéré ! Me dit-il dépité. Personne ne m’a pris au sérieux. Le boulanger m’a dit qu’au dernier match il était en vacances sur mars. Mes questions l’ont tellement fait rire qu’il m’a offert un croissant. Au moins maintenant on a la preuve que tes idées sont nulles ! Et toi ?
Je lui racontai mon histoire à toute vitesse, si vite qu’il ne comprit rien. Après m’être calmé, je la répétai plus lentement. Arnold était épaté.
— Alors là, chapeau Lucas ! C’est super bien joué.
— Non, c’est moi qui m’incline !
Ton plan était le meilleur, je dois le reconnaître.
Bon, je crois que l’enquête est terminée…
— Que non l’ami ! Pour clore une enquête il faut des preuves.
— Zut, c’est vrai. C’est comme ça dans les films.
— D’ailleurs, rien prouve qu’il soit Mirador. Même si tout l’indique. Mmm… comment faire ?
— Je sais : la soirée catch de samedi ! Mirador doit combattre ! Madame Manille vient toujours aux évènements du village accompagnée de son mari. Tu verras, cette soirée sera la seule de l’année où il sera absent.
— Ah oui, voilà qui clôturerait le dossier.
— On le garde pour nous hein ? C’est toujours une enquête secrète, personne doit savoir.
— Bien entendu !
Naturellement, dès le lendemain toute la classe était au courant.
Puis, toute l’école. Rien à faire, Arnold ne saura jamais se taire ! En plus, il raconta tout de A à Z. Nos soupçons, l’enquête, la façon dont nous l’avions menée. Et bien sûr, au passage, ajouta pleins de détails inventés. A ses dires, nous avions escaladé deux étages pour mieux espionner notre suspect, avions été poursuivi par ses hommes de main, nous étions baissés pour éviter des coups de feu. Pffff… en voilà un qui n’est pas près d’avoir son diplôme d’enquêteur.
Je m’apprêtais à révéler quels éléments étaient faux, la plupart en fait, mais… vis que nous étions devenus populaires. Dans la cour on nous appelait les « Sherlock Holmes », et les filles parlaient de nous en nous regardant. Pour cette fois, je me dis que les mensonges d’Arnold avaient du bon.
Le summum de notre gloire serait pour samedi, quand tous les copains constateraient avec nous l’absence de monsieur Manille. De fait, il y eut encore bien plus de tickets vendus que d’habitude… La salle serait pleine à craquer pour notre triomphe, la consécration de notre « carrière ».
Samedi soir, salle des fêtes de Saint-Lembert. La semaine s’est écoulée si lentement !
Arnold et moi avons compté les jours, les heures, les minutes.
Le ring est monté, le public est nombreux… Presque toute la classe a fait le déplacement. Arnold, moi, les copains, tous attendons l’arrivée de madame Manille avec impatience. L’heure tourne… quelques instants avant le premier combat, elle entre enfin et s’installe. Seule ! Arnold et moi nous pavanons comme des paons.
Les catcheurs font leur entrée : ce soir, Mirador affronte Max le massacreur. Tout le monde se met debout, acclame Mirador et siffle Max, qui tient bien sûr le rôle du méchant. Max crie sur le public, fait semblant de vouloir l’attaquer, empoigne l’arbitre par le col. Mirador signe des autographes, lève les bras…
Soudain, le grand Thierry m’interpelle.
— Eh Lucas, Mirador est prodigieux : il arrive à être en deux endroits en même temps !
Arnold et moi pâlissons d’un coup. Monsieur Manille vient d’arriver, et s’installe à côté de sa femme ! Les copains ne font qu’une bouchée de nous. « Lui c’est Mira et l’autre c’est Dor ! C’est ça ? », « C’est marrant, enquêteurs ça rime avec gros menteurs ! », « Vous allez ouvrir un bureau privé ? ». Et je ne vous les dis pas toutes… il y en avait de beaucoup moins polies.
Le spectacle, qui devait être une fête, vire au cauchemar.
En tout cas pour nous. La honte ! Plus aucune dispute n’est nécessaire, nous voilà tous les deux les enquêteurs les plus nuls de toute l’histoire de l’humanité.
Chapitre 5 — Une nouvelle piste
Finalement, les copains ont été assez sympas. Lundi, ils ne se sont plus moqués. Enfin, plus trop. Il faut dire qu’ils se sont bien défoulés samedi soir ! Si les mots étaient des coups, nous avions été leur punching-ball. Bim bam boum, ça n’a pas arrêté. Ils ont passé leurs nerfs sur nous jusqu’à ne plus avoir ni souffle ni vocabulaire. C’est de bonne guerre, nous aurions fait pareil à leur place… Arnold et moi l’avions mérité, il faut le dire. Ça nous apprendra à faire des conclusions à la va-vite !
Ce matin, pour moi la page est déjà tournée. Mais Arnold semble songeur.
— Samedi j’ai remarqué un truc étrange, me confie-t-il. Après sa victoire, Mirador est allé taper dans la main de quelques spectateurs. Dont monsieur Manille. Manille lui a fait un petit clin d’œil.
— Allons bon. Et alors ?
— Alors c’est louche !
— Oh non, ça va pas recommencer !
On s’est assez ridiculisés comme ça. Terminé les enquêtes !
Cette piste vaut rien… d’ailleurs c’est même pas une piste.
— Réfléchis Lucas. Et si tous deux se connaissaient ? Manille pourrait être son entraîneur.
— Même si c’était vrai, on s’est quand même trompés sur l’identité de Mirador.
— Oui, seulement quand l’entraîneur nous mènera au catcheur on saura enfin ! Cette fois de façon sûre et certaine !
— Plus personne voudra nous croire toute façon.
— Sauf si on ramène des preuves ! Tu prends ton appareil photo et… voilà qui arrangerait tout, non ? On prouve, on nous croit, on se refait une réputation, les filles nous regardent, et hop on s’en choisit chacun une comme amoureuse.
J’hésitais… C’était tentant… Cette fois, il ne fallait pas se louper. Ce serait notre toute dernière chance. En cas de deuxième échec, avec une preuve bidon qui serait démentie par les faits, on serait la risée de l’école jusqu’au collège. Je n’étais pas encore sûr qu’il fallait continuer.
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