Emilie a décidé de préparer, pour elle et son ami Benjamin, un rituel initiatique dans la nature. Son objectif : redonner le goût de vivre à Benjamin. Nous sommes près de la mer, en l’an 2100… Extrait de mon roman initiatique « Nous les Indiens ».
Emilie rit toute seule, dans son monde. Elle était souvent ainsi, regard dans le vague, intrigante. Ben la laissait tranquille… son amie avait besoin de son cocon. Cette dernière appréciait beaucoup ces moments paisibles, sans concurrence ni confrontation. En fait, en ce jour ils avaient besoin de leur bulle à tous les deux. Leur cocon personnel, et aussi celui de leur duo. Les quelques mètres carrés de leur emplacement devenait alors un espace à la fois ouvert et clos, rien qu’à eux.
On le sentait… plusieurs copains-copines de la bande étendue étaient sans doute déjà passés dans le coin sans avoir osé les interrompre.
Interrompe quoi ? Interrompe rien. Ce petit rien qui faisait tout et qui planait dans l’atmosphère.
J’adore ces moments dépassionnés se dit encore Emilie, où on aime être ensemble sans raison particulière. Sans urgence, sans chercher de contenance ou de discussion. Beaucoup moins de sensations fortes que lorsqu’on doit se planquer ou courir, mais… on y gagne. Quel drôle de garçon. Qui est-il au juste ? Parfois je le vois comme un héros, mon sauveur ou je ne sais quoi, et ressens comme un courant électrique.
Le truc classique de jeune fille j’imagine, on a toutes ça un peu en nous. Image d’Epinal ? Illusion ? J’ai l’impression de me manipuler moi-même, car l’émotion dépasse la raison. On n’est jamais vraiment soi-même lorsqu’on nage dans un rêve ou je ne sais quel fantasme. Si mon cœur ne bat que par crainte de le perdre ou crainte du danger, je ne suis pas dans le vrai. S’il bat car Benjamin n’est plus que mon seul vrai repère, là encore c’est un mirage. Je n’ai plus envie de passion.
Emilie émergea et annonça la couleur : le thème du jour serait les cinq sens. Comme ils avaient déjà fait l’eau, l’air et la terre, Ben s’attendait à ce qu’on passe au feu. Il fut soulagé d’apprendre que ce n’était pas cela, sachant ce que sa copine était capable de faire avec.
Ils débutèrent tôt, à la plage. Peu de gens s’y trouvaient encore et la brise était fraîche. Ils s’étaient vêtus, Emilie portait la même robe que lorsqu’elle avait rendu hommage à la mer.
Truc de dingue se dit Ben, je commence à ne plus distinguer quand je porte des vêtements et quand je n’en porte pas.
Je continue toujours, à chaque seconde, à distinguer une Emi nue d’une Emi vêtue. Les deux états me plaisent, cette robe lui va si bien.
Le tableau enchanta Emilie : comme la première fois, une mère était avec sa fille. Cette dernière, en t-shirt, faisait des pâtés devant sa maman, nue et enceinte. Sans serviette, elles profitaient du sable à même la peau. Emilie dévala la pente et vint la voir.
— Bonjour madame !
— Bonjour ma petite… vous êtes bien matinaux tous les deux.
— J’ai quelque chose à vous demander, si vous dîtes non je comprends.
— Dis toujours…
— Je peux me mettre contre vous et appuyer ma tête sur votre ventre ?
La mère éclata d’un rire joyeux.
— La demande est marrante ! C’est bien la première fois… où sont tes parents ?
— Ils dorment encore.
Elle réfléchit un instant, pour finalement la regarder avec tendresse.
— Oui bien sûr si tu veux !
Emilie retira la seul vêtement qu’elle portait, surprenant de nouveau la femme, se plaça en position foetale et se lova contre elle, comme pour un câlin. Elle est chiée quand même celle-là, se dit Benjamin. Les mains de la petite se placèrent autour de la taille, son oreille appuyée contre le ventre. Elle y ressentait une agitation, comme si le bébé la saluait, les vibrations se répercutant dans tout le corps. La fille aux pâtés, tout d’abord incrédule, sembla trouver l’idée bonne et vint la rejoindre.
Les deux petites, complices, étaient têtes appuyées à écouter la progéniture, et Emilie alla jusqu’à prendre la main de la mère pour la poser sur ses cheveux.
Cette dernière se laissa prendre au jeu et caressa les mèches de cette drôle d’enfant, parfaite inconnue si familière, faisant de même de son autre main avec sa fille. Scène un peu incongrue, certes, et pourtant acceptée par la société : là où l’homme est prédateur potentiel, la femme ne l’est pas, encore moins la femme enceinte avec un chérubin. Elles restèrent ainsi un moment, toutes trois, yeux clos. Lorsque Emilie les rouvrit, elle vit Ben, lui fit signe d’approcher… Refus. Emilie se releva, ravie.
— Comment vous êtes trop gentille ! C’est merveilleux d’entendre un enfant dans un ventre.
— Plus encore quand c’est dans le sien. Tu verras toi aussi ça t’arrivera un jour.
— Ce sera une fille, non ?
— On verra ! C’est ce que j’ai ressenti. Toi aussi ? On a demandé à ne pas savoir.
— Oui ! Faut que j’y aille. Merci madame, au revoir !
Benjamin lui avait ramené sa robe. La procession de l’hommage à la mer se répétait.
— Habille-toi, y fait froid.
— Je veux bien, j’ai la chair de poule jusqu’aux narines.
— Pourquoi t’as fait ça ?
— C’est un reproche ?
— J’ai beaucoup aimé.
— Si seulement t’étais venu…
— Pas mon genre. C’est un truc de filles.
— Je sais. Pas assez viril, hein…
— Ma présence aurait été sacrilège.
— N’importe quoi ! Au contraire le moment aurait été encore plus beau.
— Et donc, pourquoi tu l’as fait ?
— Heu, je sais pas j’avais envie. Y a rien de plus doux, rien de plus beau qu’une femme enceinte. Puis je viens de me souvenir, je faisais ça avec maman quand j’étais toute petite. Je me mettais contre elle et j’écoutais le bébé.
— Le bébé ?!
— Brian. Du temps béni où il portait pas encore ce nom à la con.
Quelques lignes extraites de mon roman initiatique « Nous les Indiens ». Pour lire les périples d’Emilie et Benjamin dans la France de l’an 2100, rendez-vous ici.
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