Pourquoi la société accouchait hier de génies et aujourd’hui de monstres

Art d’hier : le beau au service de l’harmonie

Comme un peu tout le monde j’aime l’art, la littérature, les belles créations. J’aime être en émoi devant de belles choses. Ce peut être des masques africains au musée du Quai Branly, un film, une peinture, une chanson poignante, un poème bien écrit. En faisant un point sur tout cela, j’ai remarqué un fait somme toute inquiétant, en tout cas triste : les plus belles œuvres sont surtout celles d’hier.

Est-ce exagéré, réactionnaire, passéiste de penser cela ?
Oh bien sûr, c’est avant tout un point de vue. En art et en créations, tout est question de goûts personnels, tout est subjectif. Mais n’y a-t-il que du subjectif ? Je n’en suis pas certain. En fait, je pense qu’en prenant du recul, on peut analyser de nombreuses œuvres avec objectivité. Si l’on prend par exemple…
. Les peintures de Dali
. Les Quatre Saisons, de Vivaldi
. Les sculptures de Rodin
. Les peintures de Léonard De Vinci

On peut aimer ou ne pas aimer, là n’est pas la question. Oubliez un instants vos sentiments, sensations et ressentis. Ne vous demandez pas si vous aimez ou non. Contentez-vous de visualiser quelques œuvres. Je défie quiconque de penser sincèrement que ces œuvres sont laides et ne valent rien. Ces œuvres sont sublimes, mais objectivement sublimes. Et pourtant, si j’aime beaucoup Dali, personnellement je n’aime pas du tout les peintures de Léonard De Vinci. Développer cet œil objectif est intéressant, car on peut alors le différencier de nos goûts. Pour exemple contraire, si je suis bien un fan de la série animée South Park, je suis le premier à reconnaître que les dessins y sont objectivement assez laids, et les histoires toutes volontairement un peu crétines.

Remonter le fil de l’histoire de l’art mène à bien des déboires…

Il est intéressant de voir ce que l’humain produisait il y a des milliers d’années, puis de remonter peu à peu jusqu’à de nos jours. Ce n’est pas que nous ne savons pas, aujourd’hui, produire de belles choses. Mais le nombre de chef d’œuvres a considérablement baissé de siècles en siècles. Il n’y a qu’à demander à n’importe quel passionné du genre. Prenez par exemple un passionné de rock, et demandez-lui quels sont les meilleurs albums de tous les temps. Faites de même auprès d’un amateur de classique et de contemporain. Un amateur de peinture. D’artisanat. D’essais. De littérature. Etc.
Vous verrez, le résultat est édifiant. Plus on avance dans le temps, moins on a d’œuvres qui marquent l’histoire. Ce n’est pas pour rien si ce sont toujours les mêmes œuvres de référence qui reviennent : parce qu’aucune œuvre plus moderne n’est parvenue à les supplanter.

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Créations et inventions

Nous sommes pourtant dans une ère de haute technologie. Certes ! Ces derniers siècles ont vu l’éclosion et le développement d’inventions prodigieuses. Polluantes, souvent, dangereuses, parfois… Mais il ne faut pas se mentir : dont nous profitons tous avec joie. Avion, voitures, électronique, électricité, Internet… Inutile de les citer. Ceci dit, cela a engendré plusieurs soucis dont nous sommes uniques responsables, et qui n’ont pas fait qu’améliorer nos existences :

. Course à la surenchère

Toute technologie doit entraîner une nouvelle technologie, encore « plus mieux ». Le nouvel iPhone doit savoir faire des zooms, des photos ultra détaillées, des enregistrements audio et vidéo. Les appareils photos doivent aussi pouvoir filmer, les caméscopes doivent pouvoir prendre des photos.
Ce qui entraîne la…

. Course à la « gadgétisation »

Qu’importe l’utilité réelle et le plaisir authentique qu’apporte tel ou tel objet. L’important est que ce soit nouveau, que ce soit du jamais vu. Si on parvient à l’avoir avant les autres, c’est encore mieux. D’où la création incessante de nouvelles versions et de nouveaux modèles. La plupart des avancées technologiques ayant déjà été faites, on ne cherche plus qu’à les rendre davantage ceci ou davantage cela. Un écran télé reste un écran : il peut contenir des pixels par millions, puis par milliards, il peut mesurer un mètre de diagonale ou trois, ce ne sont jamais que des détails.
Ce qui entraîne la…

. Course au « toujours plus », à la société de l’abondance… et même de la sur-abondance

On se satisfait de moins en moins d’avoir peu et de vivre des choses simples. On recherche l’abondance partout. Dans nos assiettes (qui doivent être énormes et variées), dans nos vêtements (que l’on doit renouveler deux fois l’an), dans nos appareils technologiques, etc. Malheureusement sur ce point, bien des américains ont donné le mauvais exemple, et bien des pays, dont les français, les ont suivis.
L’accumulation d’objets est comme une drogue : on les achète et les consomme dans l’espoir d’un plus grand bien-être. Comme ce bien-être n’est finalement pas suffisamment au rendez-vous, on a besoin d’une dose plus grande. Et c’est l’engrenage.
Ce qui forcément entraîne la…

. Course à l’individualisme

Si le sens de la vie se trouve dans l’accumulation d’objets, ce sont forcément des objets que l’on veut accumuler pour soi, à titre individuel. Plus cela prend une place importante au quotidien, moins il y a de place pour le reste, pour les vraies belles valeurs.

Art, création, technologies : marqueurs très clairs de l’état du monde

Mais diable enfin, quel rapport entre tout cela et les monstres que notre société engendre ?
Nous sommes dans un monde ou tout est interconnecté. Les êtres, les choses, les évènements, les pensées. Par effet en chaîne, nos actes entraînent des conséquences indirects dont nous ne soupçonnons même pas l’existence.

En fait, la baisse de qualité dans l’art et la recherche constante de haute technologie ne sont que des solutions de facilité.
En art, « consommer » une belle œuvre n’est pas si évident. Par exemple, on n’apprécie pas réellement la musique classique à la première écoute. Aller vers le beau et l’harmonie demande du temps, un apprentissage. Cela demande de s’éduquer soi-même. Si on va toujours vers la facilité, on n’écoute que de l’électro et on ne regarde plus que des block-busters américains (je n’ai rien contre l’électro ni contre les block-busters).

En technologie, tout nous est servi sur un plateau. En deux clics, on obtient tout : un film, une musique, une info, une jolie image. Que l’on consomme vite et en nombre. De fait, on ne prend plus le temps (ou moins le temps) de réfléchir, sortir, lire attentivement. Nos capacités de concentration, et donc de réflexions, s’en retrouvent réduites.

Plus on va vers la facilité, plus on est manipulable. De fait, les monstres d’aujourd’hui sont des esprits manipulables et manipulés. Atteints par cette perte des valeurs, ne parvenant à donner du sens à leur vie, ils sont prêts à saisir le sens qu’un esprit pervers et manipulateur saura leur donner. Cela n’enlève en rien leur responsabilité. Mais cela permet d’analyser pourquoi notre société, qui était sans doute plus saine hier, accouche aujourd’hui de telles machines à tuer.

Tout être humain cherche un sens à son existence. Un accomplissement. Cet accomplissement ne s’obtient pas dans la facilité, mais dans la sueur. Il s’obtient par des années d’effort, de réflexions, de projets, et souvent d’échecs. Une personne formatée à la facilité l’accepte difficilement… Et pourtant, elle sera malgré tout en recherche d’accomplissement. Si un esprit manipulateur lui propose un accomplissement « facile » et destructeur, s’achevant dans la haine… l’esprit faible risque de se laisser séduire.
En art, en création, en consommation, en spiritualité, il n’est jamais bon d’aller toujours au plus facile. Car une société de la facilité risque d’engendrer davantage de terroristes que de Mozart ou de Saint-Exupéry.

Ensemble, apprenons peu à peu à nous éloigner du « tout facile ». Apprécions l’art, prenons le temps de nous instruire, d’échanger, de communiquer. Aller peu à peu vers un monde meilleur passe aussi (et surtout ?) par là.

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